L’ensemble du Main Building au CERN à Genève, Peter Steiger et Rudolf Steiger architectes, Carl Hubacher, Fietz et Hauri ingénieurs, 1954-1960: recommandations pour une réhabilitation

Les bâtiments qui ont écrit l’histoire de l’architecture moderne vivent une période décisive: souffrant de nombreux maux dus à leurs âges, d’une méconnaissance, et parfois même d’une certaine impopularité, les menaces sont de plus en plus concrètes: d’une transformation normative et inadaptée jusqu’à la démolition. Ces oeuvres représentent un réel patrimoine pour la collectivité, que les effets du temps ont fini par occulter. Le vieillissement et le pragmatisme quotidien transformant l’édifice, les qualités qui l’ont placé au statut qu’on lui a reconnu ne sont presque plus perceptibles. Pourtant, ces édifices recèlent un grand potentiel; pour les maîtres d’ouvrage au bénéfice d’un bien valorisé, exploité et emblématique d’une part; pour la société enrichissant son patrimoine culturel d’autre part; finalement pour les architectes comme moyen de connaissance, source d’inspiration et ressource professionnelle. Le site du CERN à Meyrin, de par son extraterritorialité et ses activités particulières, est un lieu unique que l’on peut tout de même classer parmi les campus scientifiques. De très nombreuses infrastructures d’expérimentation - halles, tunnels annulaires, laboratoires - ont vu le jour comme équipement nécessaire à la rercherche et aux découvertes du CERN. Leur noyau, qui fut la toute première étape de construction du site, et encore aujourd’hui le coeur de la ville scientifique, a été conçu par l’architecte zurichois Rudolf Steiger, membre fondateur des CIAM et protagoniste majeur de l’architecture moderne en Suisse. Lorsqu’il reçut le mandat des premières planifications et estimations des coûts pour le CERN qu’il développera avec son fils Peter Steiger, il terminait la construction du Kantonsspital de Zurich en collaboration avec Max Ernst Haefeli et Werner Max Moser. Leur oeuvre commune - qui sera labellisée “HMS” - initiée par le Werkbundsiedlung Neubühl à Zurich et le Kongresshaus de Zurich, autant que leurs travaux individuels, leur conféreront une renommée nationale et au-delà. Pour la planification du CERN, les contraintes spécifiques aux activités nucléaires et scientifiques furent à la base de la configuration de cet ensemble cohérent, malgré la diversité des bâtiments aux identités fortes et expressives. Parmi ces halles d’expérimentation et de laboratoires, un ensemble bâti assurait l’accueil des activités collectives et des visiteurs, affirmant le rôle de représentation de l’institution. Le Main Building continue de nos jours encore à jouer ce rôle central. Cependant, l’état général de l’édifice, l’harassement qualitatif indéniable et l’évolution des exigences entourent de doute son avenir. Ses qualités initiales ont été perturbées par une série de transformations répondant au coup par coup aux nécessités et par des réponses peu soucieuses de la cohérence et de l’intégrité de l’ouvrage. Ces interventions contribuent finalement à l’obsolescence en entraînant la banalisation des espaces et une sous-exploitation du potentiel de qualité spatiale et de représentativité. Pour être à nouveau appréciées, ses qualités enfouies devront être révelées par un traitement minutieux et compréhensif. L’opportunité d’une sauvegarde sera confirmée par l’analyse et le diagnostic de l’existant. Sa réhabilitation consistera en de nombreuses interventions localisées et adaptées aux besoins spécifiques qui auront pour objectif de rétablir l’intégrité de l’oeuvre, et de pérenniser ainsi sa valeur patrimoniale. Il s’agira de soiger les pathologies et d’améliorer le confort et les performances physiques, en vue de répondre aux besoins programmatiques actuels, condition ultime à sa sauvegarde. En maintenant et confirmant les fonctions qui l’occupent, on préservera plus encore que la substance matérielle, l’essence conceptuelle de l’oeuvre. Les recommandations pour la réhabilitation du Main Building, basée sur l’étude des documents d’archives et sur le relevé et le diagnostic visuel de l’existant, souhaitent établir une ligne cohérente d’interventions et de traitements des cas multiples qui se présentent lors de la réhabilitation d’un tel ouvrage.